mercredi 12 février 2014

journée épuisante

Journée épuisante ! Ma classe: une étuve! Mes élèves: des petits fauves en cage! Niveau sonore: l'A380 au décollage! Mais ma tenue, tip top respect: "t'as le look madame Blandine!" Et puis ma foi, une leçon sur les pronoms qui ne s'est pas si mal passée que ça...Mais quelle énergie il m'a fallu bon dieu de bon dieu pour leur faire comprendre que "la" devant un verbe est un pronom et que "la" devant un nom est un déterminant. Vous me direz, pour apprendre à vivre heureux, y'a mieux comme leçon mais bon....Demain, j'attaque les pronoms adverbiaux... Y et en! Purée ça va être chaud! Aujourd'hui, sur quatre classes, soit environ 80 gamins, y'en avait bien 10 qui dormaient, une bonne douzaine qui dessinait, un qui s'est mis à chanter à la fenêtre, un autre qui a passé trois bons quart d'heure aux toilettes en revenant avec une petite fleur sur l'oreille, quatre qui jouaient à pile ou face avec une pièce de monnaie au fond de la classe, une qui a passé son temps à colorier sa trousse, une autre qui s'est mis du vernis à ongle et je passe sur celles et ceux qui écoutent de la musique, qui claviottent sur leur téléphone.... Mais le reste a bossé!!! C'est génial! Bon score aujourd'hui Suis très très très contente!  Demain, je remets le couvert.

dies irae

Avant hier, grosse colère! Je n'avais jamais été en colère comme ça contre des élèves. Pas la colère cinéma, celle qu'on pousse pour faire peur avec un petit sourire au fond de la tête, non, la vraie de vraie, celle qui barde, qui lance des flammes, qui explose, qui tue, qui te fait monter la tension d'un coup, qui te fait battre le cœur à cent à l'heure, qui te rougit les oreilles, ! Nom de dieu, ça a chauffé avec eux. Les petits sixièmes, je ne ne les ai pas entendus de l'heure, ils n'ont pas bougé une oreille! Les quatrièmes pareil... Mais alors les troisièmes, ça a été une autre paire de manche. 12 absents ( perdus dans la nature) et dans le lot restant, une agitée, une incontrôlable, une survoltée. Elle sort de la classe au bout d'un quart d'heure, avec une bouteille d'eau pleine, elle va cogner de toutes ses forces dans la grosse porte en fer de la classe d'à côté, ( et une grosse porte en fer, quand tu cognes dedans à coups de tatane, ça fait un bruit que vous ne pouvez même pas imaginer), elle entre dans la dite classe et elle balance le contenu de sa bouteille d'eau  sur la tête de la prof d'à côté, comme ça, pour s'amuser! Non mais je vous dis, c'est dingue ce qu'on vit ici! Monsieur tape dur était dans le couloir ( gloire à toi monsieur tape dur!!!) il l'a chopée et zou... conseil de discipline.  IL a quand même fallu que je me coltine la cocotte le reste de l'heure... dans l'état de nerfs où elle était, j'ai respecté les distances de sécurité... Pas franchement envie de m'en prendre une. Et me voilà, sortie de cours, il est 11 heures, ma journée est terminée et je vais aller discuter avec les petits poissons à la plage. Demain, je retourne au front.. Pas sûr que ma colère soit passée. Je leur ai quand même dit que je les considérais comme mes propres enfants, ça a eu son petit effet." C'est vrrrrai madame???" Tu nous aimes comme eux?" Ben oui j'ai dit! Et il y a tellement de vrai là-dedans! J'ai tellement envie de les sauver de ce merdier!

A quoi ça ressemble une heure de cours?


allez, je vais vous raconter ma journée de cours... ça vaut le détour.

Réveil un peu plus tardif aujourd'hui lundi : je commence à 9 heures. Le jour est déjà levé depuis longtemps. Petit déjeuner zen zen sur ma terrasse, lecture de mes mails , cigarette du matin, douche, maquillage pépète et choix d'une robe différente de celle que j'avais hier, les élèves n'aiment pas quand je porte deux fois la même tenue ! «  Madame, t'avais la même rrrrrobe hier! »
Je pars. 25 minutes pour me rendre au travail et sur la route, en fond d'écran, la mer, le lagon, c'est magnifique.
Arrivée au collège un peu en avance, j'ai besoin de ce temps d'adaptation et d'installation. Café, parlote avec les collègues, la sonnerie retentit, je souffle un bon coup, une deux, une deux..... j'y vais !
Ça sent un peu le pipi dans les couloirs ( eh oui, les élèves ici font pipi sur les murs quand les toilettes sont fermées !!! oui oui, c'est vrai de vrai) Bref, je m'y fais.

Première heure avec les 4eme A. Je serre les dents, c'est ma classe la plus difficile. 21 élèves, tous incontrôlables ! J'avais vu juste, l'heure peine à démarrer.
Premier défi : les faire entrer dans la classe ! Et tous en même temps ! Et à l'heure ! Y'en a déjà dix qui sont encore dans les escaliers, il est déjà 9h05. 3 sont rentrés mais ressortent aussitôt ! Ça gueule, ça crie, ça hurle. Je vais rassembler mon troupeau. J'essaie de faire en sorte qu'on m'entende. On ne m'entend pas ! J'essaie en sifflant. Pas plus de succès. Et là, mon dieu arrive, le CPE ! Bernard ! Monsieur tape dur ! Ça y est, j'en ai 18 dans ma classe. Les autres seront perdus pour la journée ! 
9h10 : Heifara et Nérija, 80 kilos chacun, ont décidé de jouer au culbuto. Ils ne sont toujours pas assis ! Ils se cognent dedans et ça fait un gros bruit, comme sur un ring. Le jeu ? Faire tomber l'autre et si possible le faire passer par la fenêtre. J'interviens, je gronde, je menace, au bout de cinq minutes, ils sont assis... Enfin ! Le reste de la troupe gueule, s'engueule, se lève, se déplace, se rassoit, le sac à dos toujours sur les épaules évidemment. Il est 9h 15. Deux mignonnes ont sorti leurs affaires ! Un miracle ! Heifara s'est à peu près calmé. J'arrive, après avoir inscrit au tableau une terrible menace ( si vous continuez, je prends les carnets, je vous colle, je vous envoie chez Bernard et j'appelle vos parents ) à leur faire sortir leurs affaires. Y'en a trois qui n'ont pas leur cahier évidemment et 10 qui n'ont pas de crayon. Allez, on y va, on corrige quand même  le contrôle. Je viens de distribuer les copies.  C'est parti pour l'imparfait, le passé simple,  formes et emplois. Ça ronfle correctement sur le cahier de texte, en pratique, ça cafouille dur.
Allez, j'essaie, je tente : on lève le doigt pour répondre ! A la première question, un beuglement collectif ! Imparfait madame !!! Madame !!!! madame !!! Imparfait !!!! Je fuyais , ais ! Allez on y va, on écrit la correction.... Trois secondes de répit. Ils copient ! Waouhhhh... Un semblant de silence. On passe vite au deuxième. Tenir au passé simple !  Beuglement bis ! Madame, madame, je tenus !!! je tenissa ! Je râle !!! On lève le doigt !!! Ils lèvent le doigt.... si si... j'ai réussi ! Et ils beuglent toujours...mais le doigt levé ! Y'a du progrès, je vais y arriver !  Un petit malin, l'un des culbuto de tout à l'heure ( intelligent comme tout mais incapable de se tenir sur sa chaise sans remuer un bras, une jambe,  et la tête alouette!!!) trouve la solution : « je tins ». Je félicite à fond les marrons !! Il faut féliciter ici !!! J'y vais ! Bravo, super, tu es doué, je te félicite, c'est vraiment très bien, quel talent ! Il se lève, fait le tour de la classe les bras levés au ciel !!! Le tour de gloire du stade !  J'y suis peut-être allée un peu fort. N'oubliez pas que le reste de la classe hurle  pendant ce temps là !  Et là... là... je les regarde... je me vois au milieu de tout ça et j'ai envie d'exploser de rire !!!  Quel bordel mon dieu, mais quel bordel !!! Je me reprends. Un petit coup de « attention, j'appelle Bernard !!! » et ils se calment un peu. J'en profite pour lancer la deuxième activité : copie d'une leçon. Seul gage de silence, la copie. Tant pis, je me la joue facile, j'en ai marre, je les fais copier. Il est 9h45... ça sonne dans 10 minutes... le silence règne sur la classe. Je regarde ma montre et je compte les minutes qui me séparent de la délivrance....Qu'ont-ils appris vraiment ? Qu'on ne dit pas «  je tenus » mais « je tins » ? Nérija n'a rien copié, rien compris, rien enregistré. Et puis, le coup de grâce arrive... Deux petits au fond que j'imagine en train de copier ma leçon, recopient en fait le cours d'anglais. Et ça doit faire un bon moment que ça dure. Je me fâche. Aucune prise, mais alors rien de rien. Elles continuent... je suis transparente, inodore, inexistante...ça sonne !!!! je sens mes nerfs qui lâchent ! Pendant 5 minutes, c'est un fracas de chaises, de hurlements de bêtes sauvages, je me bouche les oreilles, j'attends qu'ils soient sortis ! Silence soudain dans la classe. J'ai survécu !  Sur une heure de cours, 10 minutes de calme, un accord de passé simple à peu près enregistré. Demain, je recommence. Ben nom de dieu de nom de dieu, je ne vole pas mon salaire ici, je vous le dis mes amis ! Et la prime de 13000 euros, prime de résidence, devrait ici s'appeler prime de résistance. Heureusement, je reçois ensuite mes petits sixièmes. Des anges ! Cinquante cinq minutes de cours ! Je n'y crois pas !
N'allez pas croire que je suis découragée ! Non non, tout va bien ! J'ai ici une résistance à peine croyable. Je vais finir par y arriver ! Il paraît que j'en ai comme ça pour toute l'année. D'ici là, va falloir que je colle, que j'envoie chez Bernard, que je prenne les carnets, que j'appelle les parents. Les collègues sont sympas ! Tu vas y arriver, c'est toujours comme ça pour les nouveaux arrivants.. Tu vas voir, après ils vont travailler, ça ira. Bon, je les crois, de toute façon je n'ai pas le choix.
Voilà.. Alors si vous pouvez penser à moi le lundi matin, le mardi matin, le jeudi matin et le vendredi matin avec ma classe de 4A, ça me fera du bien !!!

mardi 11 février 2014

La boulette de papier

La boulette de papier

Au collège, dans les classes, la boulette de papier, c' est un sport collectif, peu organisé, certes, mais quand même. Elle a pour support à peu près tout ce que les gamins peuvent avoir sous la main. La photocopie du texte de Montesquieu que tu t'es fait chier à retaper pour y ajouter des notes accessibles à tous, la dernière copie rendue sur les COD COI et COS, le cours qu'ils viennent d'écrire sur une feuille volante parce qu'ils n'avaient pas leur cahier et que t'es super gentille de leur avoir fourni une copie double, une page du manuel arrachée. Tout ça c'est pour les grosses boulettes. Pour les plus petites, il y a le bout de copie double que tu leur as filée, un morceau d'une page du manuel, la partie où tu as copié les notes sur le texte de Montesquieu ou encore, le haut de leur copie sur les COD COI et COS où figure la note minable qu'ils ont eue.
La boulette a ses cibles. La première, la plus logique : la corbeille à papier. Mais comme il est super marrant de la jeter de sa place alors que la corbeille est à l'autre bout de la classe, ça fait qu'une fois sur deux la boulette tombe par terre. Deuxième cible possible. Le pote, évidemment à l'autre bout de la classe aussi. Il se la reçoit sur la tête, elle rebondit et elle atterrit aussi.... par terre. Autre cible éventuelle, le brasseur d'air ! Alors là, c'est super super rigolo bien sûr parce que ça fait un bruit d'enfer et que la boulette voltige dans toute la classe. Elle atterrit aussi par terre. Quatrième cible qui exige un petit déplacement, la cour ou mieux encore, la salle d'à côté qui a ses fenêtres ouvertes. Cette fois, elle atterrit dehors ou dans la classe de la collègue. C'est toujours ça de gagné. Dernière cible, rarement tentée mais déjà atteinte : moi.. de dos de préférence dès fois que je choperais le coupable et que je te l'enverrai chez monsieur tape dur. Si la boulette est bien compacte, ça peut faire mal. Si elle est lancée de loin, ça peut faire vraiment mal. Si elle est molle du genou, ça va juste te chatouiller un peu et te faire sursauter. Et puis, il y a les petits boulettes, les perfides, celles qui sont toutes mouillées parce que le truc c'est de se les fourrer dans la bouche pour les mâchouiller un peu. C'est dégueu, évidemment et là, la cible numéro un, ce sont les murs. De préférence, là où tu as mis de belles affiches pour égayer la classe. Quand tu ne t'en aperçois pas tout de suite, ça fait des petits tas sur le mur et avec la chaleur, ça finit même par coller pour de bon, faut gratter avec l'ongle. Deuxième cible : les vitres : même chose ! Troisième cible, le tableau mais là généralement, ça rebondit. Je n'y connais rien en physique chimie, mais il doit y avoir un truc pour empêcher que ça colle. Dernière cible, moi et là, ça fait mal, alors tu gueules un bon coup et tu fais la grimace parce que tu sais que la boulette en question est pleine de mâchouilli dégueu et que de toute façon tu ne sauras jamais qui te l'as balancée en pleine poire.
Alors quoi tu fais quand t'a fini ton heure de cours !!! Tu dis aux élèves de ramasser les boulettes de papier, ben oui, t'es trop con toi aussi, tu devrais savoir que la boulette se jette mais qu'elle ne se ramasse jamais. Alors tu hurles !!! VOUS RAMASSEZ VOS BOULEEEEEEETTTTTES!!! S'ils sont décidés, tu peux avoir deux volontaires... Le reste du temps, ils en profitent en sortant pour shooter dedans et les faire valdinguer dans le couloir quand ils ne décident pas de jouer au foot avec ! Gardien de but : devant la porte !
Alors, tu profites du calme enfin revenu, tu te baisses, un peu humiliée quand même, en colère, les joues rouges et tu ramasses les boulettes parce que t'as vraiment pas envie que la dame qui s'occupe du ménage, et qui a fort à faire, se coltine l'épreuve. Et la corbeille à papier déborde....
De l'influence du bruit sur mes petits nerfs

il faut quand même que je vous parle de ce qui occupe l'espace dans ce collège....le bruit! ça commence à 6h45 lorsque les portes s'ouvrent et que le flot d'élèves se déverse dans la cour. Bruit de voix, bruits de sifflements, bruits de hurlements, bruits de coups dans les portes. Puis, c'est la classe et alors là, c'est le pompon! Il y a le bruit que font les élèves en entrant, entre le glapissement et le beuglement. Il y a le bruit de ceux qui entrent en chantant ( ce n'est pas ce qu'il y a de plus désagréable...) puis il y a le bruit des chaises que l'on déplace, que l'on soulève et que l'on repose avec fracas sur le sol, le bruit des tables ( idem) le bruit des portes de l'armoire en fer où se trouvent les livres et les cahiers, le bruit des coups donnés sur les tables, des gamins qui frappent dans leurs mains, qui s'interpellent d'un bout à l'autre de la classe, de ceux qui ne savent pas s'adresser à moi sans hurler, le bruit des livres qu'ils se distribuent en les jetant violemment sur les tables, le bruit de la classe d'à côté ( c'est toujours rassurant de savoir qu'on n'est pas seul dans cet enfer...) le bruit de ceux qui sont dans la cour et celui de ceux qui sont dans les couloirs. Le petit bruit du crayon dont on fait cliquer le bitogneau qui fait sortir la mine, on ne l'entend jamais celui-là, trop petit ce bruit, trop discret. Nous, ce qu'on entend, c'est l'équivalent de trois avions au décollage, c'est la voix hyper aiguë du petit Léon qui a toujours un truc à dire à son voisin, la voix tonitruante et puissante de Henere qui ne sait pas ce que c'est que de se taire, les portes en fer qui résonnent quand on y fout un coup de poing dedans, c'est 26 gamins qui hurlent la réponse à ta question en même temps parce qu'ils n'ont pas encore appris à lever le doigt en dépit de ce que tu leur as enseigné. Alors quand ça sonne, quand le dernier tumulte de la sortie de la classe est enfin terminé et que tu fermes ta classe pour être un peu dans le silence, tu respires, tu souffles, tu gonfles tes poumons, tu fermes un peu les yeux, tu sens tomber sur toi comme un petit nuage de coton qui t'adoucit soudain, te fait reprendre des forces pour pouvoir revenir le lendemain.....Vous l'aurez compris, aujourd'hui, j'ai un petit peu besoin de réconfort..