Cosette
Bonjour à tous, des petites histoires de mon vécu quotidien, drôles, touchantes, chacun le ressentira différemment mais vous pouvez commenter librement cette publication afin de m'encourager à en écrire d'autres. Les noms cités sont changés ou non, toute ressemblance bien sûr avec une situation vécue serait purement fortuite....vous connaissez la suite.A très bientôt alors et bonne lecture, j'attends vos commentaires !Madame B
Je tente de survivre dans un environnement où le niveau sonore atteint des records! L'A380 au décollage à côté, c'est de la gnognote! Travail difficile avec des gamins qui n'ont pas la moindre idée de ce que sont les règles, les contraintes et surtout le travail. Un cours est donc pour eux un espace de totale liberté: on y entre parfois, on en sort quand on veut, on y crie, on y jette des papiers par terre, on y joue, parfois on y dort, on s'y castagne quand ça chauffe un peu, on y parle fort, on n'y sort son cahier que sous la menace, on y perd ses crayons et moi ma raison parce qu'au milieu de tout ce bordel, il y a moi, pauvre de moi, avec un programme qui programme l'impossible, des exigences qui exigent l'insurmontable pour eux et des règles qui ne règlent rien du tout.
Alors parfois, à l'issue d'une semaine où j'ai un peu mouillé ma chemise quand même( parce que le pire, c'est que ça me passionne!) il m'arrive de me demander si je sers vraiment à quelque chose et si je suis vraiment une bonne prof! Mais bon histoire de ne pas vous saper le moral, je vais quand même vous raconter l'histoire d'une de mes petits élèves que nous appellerons Maëva pour ne pas la nommer publiquement:
c'est une élève de quatrième. Plutôt ronde, de grands yeux noirs et une naïveté à vous décoiffer puissamment ! Maëva ne comprend pas tout. Elle a même du mal à comprendre tout simplement. Mais elle est vraiment adorable. Lorsqu'elle écrit, je ne suis pas bien certaine qu'elle sache le pourquoi du comment de l'exercice ou de la leçon. Et c'est une incorrigible bavarde. Pas méchante pour un sous mais la goule ouverte en permanence.
Le matin, quand je la croise devant le collège, j'ai droit à chaque fois au même petit discours :Mâdâââme !! Aujourrrd'hui, je bavarrrde pas ! Prrrromis mâdâme !D'accord, je te crois Maëva !Et dès les première secondes en classe, la voilà qui jacte ! Alors hier, on a corrigé une rédaction sur Cosette. Cosette devait écrire une lettre à sa maman pour la supplier de venir la chercher chez les Thénardier. L'ensemble n'a été que très moyennement réussi évidemment et je me lance courageusement dans une correction. Pour vous donner une petite idée des capacités de Maëva, elle avait carrément recopié , intégralement et avec le plus grand soin, mot pour mot, le texte du portait de Cosette de que l'on avait étudié avant. C'est vous dire si elle n'avait vraiment rien compris.A la correction, ses yeux commencent à s'éclairer. J'explique de nouveau la consigne et c'est parti mon kiki, je me mets à écrire au tableau les propositions de correction des élèves. Maëva a compris !!!! Elle commence.Cosette elle aime sa maman alorrrrs on écrit « maman chérrrrie, je t'aime ».Bien Maëva ! On écrit ça ! J'écris. Elle est fière comme un petit banc.Puis on continue. Les propositions fusent. ça gueule dans tous les sens parce qu'ici, rien ne ne fait dans le calme! Tout le monde semble avoir bien compris les enjeux de la lettre. Et vas-y que je t'écris « je souffre... « on me traite comme une esclave » « on me tape » « je suis malade » « j'ai froid », « j'ai peur » puis quelques propositions que je corrige avec bienveillance « j'ai les boules » « je suis mal barrée » « on m'a violée ( on sent ici hélas un vécu terrifiant) .....
Bref, ça marche du feu de dieu. Et là, Maëva se met à réfléchir. Elle est à fond dedans ! Elle me dit :Mâdâme, là c'est sûrrrr, elle va venir sa maman quand elle va recevoir la lettre !... ( gloups....je comprends que Maëva, à ce moment précis, elle est persuadée qu'on va l'envoyer cette putain de lettre!!!) Moi si j'étais sa maman, je viendraaaaaais la chercher ma fille parce que c'est pas possible qu'une maman elle rrrrreste comme ça … C'est sûrrrrrr elle va venir...Elle va prendre sa voiture et elle va venir! Tu ferrrais comment toi mâdâme si ta fille elle t'envoyait une lettre comme ça ? Tu irrrais hein mâdâme ? Mais il est où son papa à Cosette ?Ah !!! Fantine a eu sa fille avec un monsieur qui l'a abandonnée avec Cosette lorsqu'elle était bébé.C'est pas bien ça mâdâme !!!! Mais c'est qui Fantine mâdâme ? ( là je comprends qu'elle n'a toujours pas capté qui était la maman de Cosette )Fantine, c'est la maman de Cosette !Ah !!!! Et quand elle va venir, tu crrrrrois mâdâme qu'elle va rosser les Thénardier ( bon, les Thénardier, elle a situé!) Il faut qu'elle les tape mâdâme ! Il faut qu'elle appelle la police !Alors j'explique que c'est une lettre fictive, que cette lettre est imaginaire, que Cosette n'aurait pas pu l'écrire.Ah bon mâdâme !!!! Elle va pas la recevoir la lettre la maman de Cosette ? Mais pourquoi on l'écrit alorrrs mâdâme !! C'est bête ça mâdâme parce que Cosette elle va mourrrrrrir si ça continue, c'est sûrrrrr !
Alors, à cours d'arguments, je lui souris parce qu'autant de fraîcheur dans un petit cœur comme le sien, ça me chavire ! On termine la lettre. Elle est la première à me proposer la fin :Maman chérrrrie, je t'aime de tout mon cœurrrrr. Ta fille Cosette.Et la lettre se termine ainsi.
Je me dis que s'il existe un monde des esprit, celui de Hugo a dû planer au dessus de nous et qu'il a dû fondre devant cette douceur candide d'une petite Maëva qui va peut-être garder jusqu'à la fin de ses jours le souvenir de Cosette.C'était ma petite aventure de l'autre jour. Je suis sortie de classe et je me suis dit que je faisais quand même un putain de beau métier ! Voyez, je garde quand même un petit espoir!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Pour vos commentaires c'est par ici !!!!