mercredi 12 février 2014

journée épuisante

Journée épuisante ! Ma classe: une étuve! Mes élèves: des petits fauves en cage! Niveau sonore: l'A380 au décollage! Mais ma tenue, tip top respect: "t'as le look madame Blandine!" Et puis ma foi, une leçon sur les pronoms qui ne s'est pas si mal passée que ça...Mais quelle énergie il m'a fallu bon dieu de bon dieu pour leur faire comprendre que "la" devant un verbe est un pronom et que "la" devant un nom est un déterminant. Vous me direz, pour apprendre à vivre heureux, y'a mieux comme leçon mais bon....Demain, j'attaque les pronoms adverbiaux... Y et en! Purée ça va être chaud! Aujourd'hui, sur quatre classes, soit environ 80 gamins, y'en avait bien 10 qui dormaient, une bonne douzaine qui dessinait, un qui s'est mis à chanter à la fenêtre, un autre qui a passé trois bons quart d'heure aux toilettes en revenant avec une petite fleur sur l'oreille, quatre qui jouaient à pile ou face avec une pièce de monnaie au fond de la classe, une qui a passé son temps à colorier sa trousse, une autre qui s'est mis du vernis à ongle et je passe sur celles et ceux qui écoutent de la musique, qui claviottent sur leur téléphone.... Mais le reste a bossé!!! C'est génial! Bon score aujourd'hui Suis très très très contente!  Demain, je remets le couvert.

dies irae

Avant hier, grosse colère! Je n'avais jamais été en colère comme ça contre des élèves. Pas la colère cinéma, celle qu'on pousse pour faire peur avec un petit sourire au fond de la tête, non, la vraie de vraie, celle qui barde, qui lance des flammes, qui explose, qui tue, qui te fait monter la tension d'un coup, qui te fait battre le cœur à cent à l'heure, qui te rougit les oreilles, ! Nom de dieu, ça a chauffé avec eux. Les petits sixièmes, je ne ne les ai pas entendus de l'heure, ils n'ont pas bougé une oreille! Les quatrièmes pareil... Mais alors les troisièmes, ça a été une autre paire de manche. 12 absents ( perdus dans la nature) et dans le lot restant, une agitée, une incontrôlable, une survoltée. Elle sort de la classe au bout d'un quart d'heure, avec une bouteille d'eau pleine, elle va cogner de toutes ses forces dans la grosse porte en fer de la classe d'à côté, ( et une grosse porte en fer, quand tu cognes dedans à coups de tatane, ça fait un bruit que vous ne pouvez même pas imaginer), elle entre dans la dite classe et elle balance le contenu de sa bouteille d'eau  sur la tête de la prof d'à côté, comme ça, pour s'amuser! Non mais je vous dis, c'est dingue ce qu'on vit ici! Monsieur tape dur était dans le couloir ( gloire à toi monsieur tape dur!!!) il l'a chopée et zou... conseil de discipline.  IL a quand même fallu que je me coltine la cocotte le reste de l'heure... dans l'état de nerfs où elle était, j'ai respecté les distances de sécurité... Pas franchement envie de m'en prendre une. Et me voilà, sortie de cours, il est 11 heures, ma journée est terminée et je vais aller discuter avec les petits poissons à la plage. Demain, je retourne au front.. Pas sûr que ma colère soit passée. Je leur ai quand même dit que je les considérais comme mes propres enfants, ça a eu son petit effet." C'est vrrrrai madame???" Tu nous aimes comme eux?" Ben oui j'ai dit! Et il y a tellement de vrai là-dedans! J'ai tellement envie de les sauver de ce merdier!

A quoi ça ressemble une heure de cours?


allez, je vais vous raconter ma journée de cours... ça vaut le détour.

Réveil un peu plus tardif aujourd'hui lundi : je commence à 9 heures. Le jour est déjà levé depuis longtemps. Petit déjeuner zen zen sur ma terrasse, lecture de mes mails , cigarette du matin, douche, maquillage pépète et choix d'une robe différente de celle que j'avais hier, les élèves n'aiment pas quand je porte deux fois la même tenue ! «  Madame, t'avais la même rrrrrobe hier! »
Je pars. 25 minutes pour me rendre au travail et sur la route, en fond d'écran, la mer, le lagon, c'est magnifique.
Arrivée au collège un peu en avance, j'ai besoin de ce temps d'adaptation et d'installation. Café, parlote avec les collègues, la sonnerie retentit, je souffle un bon coup, une deux, une deux..... j'y vais !
Ça sent un peu le pipi dans les couloirs ( eh oui, les élèves ici font pipi sur les murs quand les toilettes sont fermées !!! oui oui, c'est vrai de vrai) Bref, je m'y fais.

Première heure avec les 4eme A. Je serre les dents, c'est ma classe la plus difficile. 21 élèves, tous incontrôlables ! J'avais vu juste, l'heure peine à démarrer.
Premier défi : les faire entrer dans la classe ! Et tous en même temps ! Et à l'heure ! Y'en a déjà dix qui sont encore dans les escaliers, il est déjà 9h05. 3 sont rentrés mais ressortent aussitôt ! Ça gueule, ça crie, ça hurle. Je vais rassembler mon troupeau. J'essaie de faire en sorte qu'on m'entende. On ne m'entend pas ! J'essaie en sifflant. Pas plus de succès. Et là, mon dieu arrive, le CPE ! Bernard ! Monsieur tape dur ! Ça y est, j'en ai 18 dans ma classe. Les autres seront perdus pour la journée ! 
9h10 : Heifara et Nérija, 80 kilos chacun, ont décidé de jouer au culbuto. Ils ne sont toujours pas assis ! Ils se cognent dedans et ça fait un gros bruit, comme sur un ring. Le jeu ? Faire tomber l'autre et si possible le faire passer par la fenêtre. J'interviens, je gronde, je menace, au bout de cinq minutes, ils sont assis... Enfin ! Le reste de la troupe gueule, s'engueule, se lève, se déplace, se rassoit, le sac à dos toujours sur les épaules évidemment. Il est 9h 15. Deux mignonnes ont sorti leurs affaires ! Un miracle ! Heifara s'est à peu près calmé. J'arrive, après avoir inscrit au tableau une terrible menace ( si vous continuez, je prends les carnets, je vous colle, je vous envoie chez Bernard et j'appelle vos parents ) à leur faire sortir leurs affaires. Y'en a trois qui n'ont pas leur cahier évidemment et 10 qui n'ont pas de crayon. Allez, on y va, on corrige quand même  le contrôle. Je viens de distribuer les copies.  C'est parti pour l'imparfait, le passé simple,  formes et emplois. Ça ronfle correctement sur le cahier de texte, en pratique, ça cafouille dur.
Allez, j'essaie, je tente : on lève le doigt pour répondre ! A la première question, un beuglement collectif ! Imparfait madame !!! Madame !!!! madame !!! Imparfait !!!! Je fuyais , ais ! Allez on y va, on écrit la correction.... Trois secondes de répit. Ils copient ! Waouhhhh... Un semblant de silence. On passe vite au deuxième. Tenir au passé simple !  Beuglement bis ! Madame, madame, je tenus !!! je tenissa ! Je râle !!! On lève le doigt !!! Ils lèvent le doigt.... si si... j'ai réussi ! Et ils beuglent toujours...mais le doigt levé ! Y'a du progrès, je vais y arriver !  Un petit malin, l'un des culbuto de tout à l'heure ( intelligent comme tout mais incapable de se tenir sur sa chaise sans remuer un bras, une jambe,  et la tête alouette!!!) trouve la solution : « je tins ». Je félicite à fond les marrons !! Il faut féliciter ici !!! J'y vais ! Bravo, super, tu es doué, je te félicite, c'est vraiment très bien, quel talent ! Il se lève, fait le tour de la classe les bras levés au ciel !!! Le tour de gloire du stade !  J'y suis peut-être allée un peu fort. N'oubliez pas que le reste de la classe hurle  pendant ce temps là !  Et là... là... je les regarde... je me vois au milieu de tout ça et j'ai envie d'exploser de rire !!!  Quel bordel mon dieu, mais quel bordel !!! Je me reprends. Un petit coup de « attention, j'appelle Bernard !!! » et ils se calment un peu. J'en profite pour lancer la deuxième activité : copie d'une leçon. Seul gage de silence, la copie. Tant pis, je me la joue facile, j'en ai marre, je les fais copier. Il est 9h45... ça sonne dans 10 minutes... le silence règne sur la classe. Je regarde ma montre et je compte les minutes qui me séparent de la délivrance....Qu'ont-ils appris vraiment ? Qu'on ne dit pas «  je tenus » mais « je tins » ? Nérija n'a rien copié, rien compris, rien enregistré. Et puis, le coup de grâce arrive... Deux petits au fond que j'imagine en train de copier ma leçon, recopient en fait le cours d'anglais. Et ça doit faire un bon moment que ça dure. Je me fâche. Aucune prise, mais alors rien de rien. Elles continuent... je suis transparente, inodore, inexistante...ça sonne !!!! je sens mes nerfs qui lâchent ! Pendant 5 minutes, c'est un fracas de chaises, de hurlements de bêtes sauvages, je me bouche les oreilles, j'attends qu'ils soient sortis ! Silence soudain dans la classe. J'ai survécu !  Sur une heure de cours, 10 minutes de calme, un accord de passé simple à peu près enregistré. Demain, je recommence. Ben nom de dieu de nom de dieu, je ne vole pas mon salaire ici, je vous le dis mes amis ! Et la prime de 13000 euros, prime de résidence, devrait ici s'appeler prime de résistance. Heureusement, je reçois ensuite mes petits sixièmes. Des anges ! Cinquante cinq minutes de cours ! Je n'y crois pas !
N'allez pas croire que je suis découragée ! Non non, tout va bien ! J'ai ici une résistance à peine croyable. Je vais finir par y arriver ! Il paraît que j'en ai comme ça pour toute l'année. D'ici là, va falloir que je colle, que j'envoie chez Bernard, que je prenne les carnets, que j'appelle les parents. Les collègues sont sympas ! Tu vas y arriver, c'est toujours comme ça pour les nouveaux arrivants.. Tu vas voir, après ils vont travailler, ça ira. Bon, je les crois, de toute façon je n'ai pas le choix.
Voilà.. Alors si vous pouvez penser à moi le lundi matin, le mardi matin, le jeudi matin et le vendredi matin avec ma classe de 4A, ça me fera du bien !!!

mardi 11 février 2014

La boulette de papier

La boulette de papier

Au collège, dans les classes, la boulette de papier, c' est un sport collectif, peu organisé, certes, mais quand même. Elle a pour support à peu près tout ce que les gamins peuvent avoir sous la main. La photocopie du texte de Montesquieu que tu t'es fait chier à retaper pour y ajouter des notes accessibles à tous, la dernière copie rendue sur les COD COI et COS, le cours qu'ils viennent d'écrire sur une feuille volante parce qu'ils n'avaient pas leur cahier et que t'es super gentille de leur avoir fourni une copie double, une page du manuel arrachée. Tout ça c'est pour les grosses boulettes. Pour les plus petites, il y a le bout de copie double que tu leur as filée, un morceau d'une page du manuel, la partie où tu as copié les notes sur le texte de Montesquieu ou encore, le haut de leur copie sur les COD COI et COS où figure la note minable qu'ils ont eue.
La boulette a ses cibles. La première, la plus logique : la corbeille à papier. Mais comme il est super marrant de la jeter de sa place alors que la corbeille est à l'autre bout de la classe, ça fait qu'une fois sur deux la boulette tombe par terre. Deuxième cible possible. Le pote, évidemment à l'autre bout de la classe aussi. Il se la reçoit sur la tête, elle rebondit et elle atterrit aussi.... par terre. Autre cible éventuelle, le brasseur d'air ! Alors là, c'est super super rigolo bien sûr parce que ça fait un bruit d'enfer et que la boulette voltige dans toute la classe. Elle atterrit aussi par terre. Quatrième cible qui exige un petit déplacement, la cour ou mieux encore, la salle d'à côté qui a ses fenêtres ouvertes. Cette fois, elle atterrit dehors ou dans la classe de la collègue. C'est toujours ça de gagné. Dernière cible, rarement tentée mais déjà atteinte : moi.. de dos de préférence dès fois que je choperais le coupable et que je te l'enverrai chez monsieur tape dur. Si la boulette est bien compacte, ça peut faire mal. Si elle est lancée de loin, ça peut faire vraiment mal. Si elle est molle du genou, ça va juste te chatouiller un peu et te faire sursauter. Et puis, il y a les petits boulettes, les perfides, celles qui sont toutes mouillées parce que le truc c'est de se les fourrer dans la bouche pour les mâchouiller un peu. C'est dégueu, évidemment et là, la cible numéro un, ce sont les murs. De préférence, là où tu as mis de belles affiches pour égayer la classe. Quand tu ne t'en aperçois pas tout de suite, ça fait des petits tas sur le mur et avec la chaleur, ça finit même par coller pour de bon, faut gratter avec l'ongle. Deuxième cible : les vitres : même chose ! Troisième cible, le tableau mais là généralement, ça rebondit. Je n'y connais rien en physique chimie, mais il doit y avoir un truc pour empêcher que ça colle. Dernière cible, moi et là, ça fait mal, alors tu gueules un bon coup et tu fais la grimace parce que tu sais que la boulette en question est pleine de mâchouilli dégueu et que de toute façon tu ne sauras jamais qui te l'as balancée en pleine poire.
Alors quoi tu fais quand t'a fini ton heure de cours !!! Tu dis aux élèves de ramasser les boulettes de papier, ben oui, t'es trop con toi aussi, tu devrais savoir que la boulette se jette mais qu'elle ne se ramasse jamais. Alors tu hurles !!! VOUS RAMASSEZ VOS BOULEEEEEEETTTTTES!!! S'ils sont décidés, tu peux avoir deux volontaires... Le reste du temps, ils en profitent en sortant pour shooter dedans et les faire valdinguer dans le couloir quand ils ne décident pas de jouer au foot avec ! Gardien de but : devant la porte !
Alors, tu profites du calme enfin revenu, tu te baisses, un peu humiliée quand même, en colère, les joues rouges et tu ramasses les boulettes parce que t'as vraiment pas envie que la dame qui s'occupe du ménage, et qui a fort à faire, se coltine l'épreuve. Et la corbeille à papier déborde....
De l'influence du bruit sur mes petits nerfs

il faut quand même que je vous parle de ce qui occupe l'espace dans ce collège....le bruit! ça commence à 6h45 lorsque les portes s'ouvrent et que le flot d'élèves se déverse dans la cour. Bruit de voix, bruits de sifflements, bruits de hurlements, bruits de coups dans les portes. Puis, c'est la classe et alors là, c'est le pompon! Il y a le bruit que font les élèves en entrant, entre le glapissement et le beuglement. Il y a le bruit de ceux qui entrent en chantant ( ce n'est pas ce qu'il y a de plus désagréable...) puis il y a le bruit des chaises que l'on déplace, que l'on soulève et que l'on repose avec fracas sur le sol, le bruit des tables ( idem) le bruit des portes de l'armoire en fer où se trouvent les livres et les cahiers, le bruit des coups donnés sur les tables, des gamins qui frappent dans leurs mains, qui s'interpellent d'un bout à l'autre de la classe, de ceux qui ne savent pas s'adresser à moi sans hurler, le bruit des livres qu'ils se distribuent en les jetant violemment sur les tables, le bruit de la classe d'à côté ( c'est toujours rassurant de savoir qu'on n'est pas seul dans cet enfer...) le bruit de ceux qui sont dans la cour et celui de ceux qui sont dans les couloirs. Le petit bruit du crayon dont on fait cliquer le bitogneau qui fait sortir la mine, on ne l'entend jamais celui-là, trop petit ce bruit, trop discret. Nous, ce qu'on entend, c'est l'équivalent de trois avions au décollage, c'est la voix hyper aiguë du petit Léon qui a toujours un truc à dire à son voisin, la voix tonitruante et puissante de Henere qui ne sait pas ce que c'est que de se taire, les portes en fer qui résonnent quand on y fout un coup de poing dedans, c'est 26 gamins qui hurlent la réponse à ta question en même temps parce qu'ils n'ont pas encore appris à lever le doigt en dépit de ce que tu leur as enseigné. Alors quand ça sonne, quand le dernier tumulte de la sortie de la classe est enfin terminé et que tu fermes ta classe pour être un peu dans le silence, tu respires, tu souffles, tu gonfles tes poumons, tu fermes un peu les yeux, tu sens tomber sur toi comme un petit nuage de coton qui t'adoucit soudain, te fait reprendre des forces pour pouvoir revenir le lendemain.....Vous l'aurez compris, aujourd'hui, j'ai un petit peu besoin de réconfort..

jeudi 5 décembre 2013

La Bible....

La Bible !

Tu parles d'une idée de génie d'avoir mis la Bible au programme de 6eme !!! Je m'y suis donc collée depuis une semaine et c'est parti mon kiki pour une partie de plaisir parce qu'avec mes petits sixièmes, la Bible, ça déménage !
Un aperçu du cours de ce matin.

On aborde le vocabulaire des religions. Faut quand même pas être borné non plus, y'a pas qu'un seul dieu là haut , alors on partage !

Je commence.

  • Ouvrez vos cahiers !!!!
    Je ne vous la refais pas, 10 minutes de préchauffage avant l'ouverture des cahiers parce que Léon n'a toujours pas fini sa danse du feu, que son pote Jules est dans l’entrebâillement de la porte à regarder les chappeurs dans la cour, qu' Hinatea n'en finit pas de se brosser les cheveux, que Naehu termine sa sieste et que le reste de la troupe a les deux bras croisés sur la table en attendant que je me fâche, tout ça dans le bruit bien sûr !
  • Ouvrez vos cahier !
    Ça y est ! C'est bon. Enfin presque. Léon quitte sa table, se poste devant mon bureau :
  • crayon !
    Tu veux quoi Léon ?
  • Crayon !
  • Ah, tu veux un crayon !
  • Crayon !
    Ça fait jamais que le troisième que je file depuis le début de la matinée. Léon retourne à sa table en lançant «  crayon » en l'air.
  • Ouvrez vos livres !
    Bon, là, je passe..... même scénario ! J'écris le numéro de la page au tableau.
  • Page 64.
    Évidemment, dans la seconde même, j'ai droit à :
  • Quelle page mâdâme ?
  • C'est écrit au tableau ! Page 64.
    Allez, courage, ça vient ! On commence. Il s'agit de comprendre d'où vient le mot Bible. J'écris au tableau : biblia en grec veut dire livre. Et je demande :
  • Quel mot peut-on former à partir de biblia ?
    Gloups.......
  • Allez, c'est simple, on y met des livres !
    Réponse enthousiaste de Namata
  • CDI !
  • T'es pas loin champion !!!! Réfléchis ! Qu'est-ce qu'il y a au CDI pour ranger les livres ?
  • Madame Joelle !!!
    Madame Joëlle, c'est la documentaliste.
  • Non !!!!!!!!! Il faut que ça commence par bibl.....
  • Bibliothèque !
  • Bravo ! Alors là bravo !
    La réponse a été donnée par.....Léon ! Alors on écrit la réponse de Léon dans le cahier. Allez, on passe à l'exercice 2. On élargit le sujet aux termes qui désignent les différents cultes. Aie....
  • Comment appelle-t-on ceux qui pratiquent le christianisme ?
    J'aime bien faire ça : j'inscris la première lettre au tableau
  • Des C....
    Et alors là, ça fuse de tous les côtés parce que les gamins, ce qui les amuse c'est de trouver un mot, n'importe lequel, qui commence par c...
  • des catalogues Mâdâme !!!! ( alors là., personnellement je n'y aurais pas pensé...)
  • des copiste , des copistes !!! ( on avait vu ça chez les égyptiens c'est déjà pas mal de le ressortir!!!)
  • des curés !!!! ( on se rapproche un peu)
  • des copains !!!! des copains mâdâme !!!!!
  • Non !!!!!! On appelle ça des chré...
  • Des crétins !!!!!!!
    Allez, j'arrête, j'écris au tableau : des chrétiens !
    Je ne suis pas du genre à me décourager, alors on continue !
  • Comment appelle-t-on ceux qui pratiquent de judaïsme ? Des ju......
  • Des juges !!!!
    Ranitéa a l'air d'en savoir un peu sur la question :
  • Non !!!! des juifs mâdâme !
  • Bien ! On écrit !
    Pour les protestants, pas de problème, ils ont trouvé tout de suite
  • Et pour l'islam ?
  • Des islamistes mâdâme !!!
  • Bon, merde , fallait que ça tombe... pas facile facile de leur expliquer la nuance entre islamiste et musulman... lâchement, je dis non, et j'impose la réponse. Putain de séquence à la con !!!! Allez, tant pis, on avance.
  • Comment dit-on d'une personne qui va souvent à l'église ? On dit qu'elle fait preuve de...... ?
  • Courage !!!!!
    pas complètement idiot....
  • Non, elle fait preuve de.... ?
  • Pitié !!!
    C'est bon, on y est presque
  • Non.... j'écris......piété. C'était pas mal quand même !
    Et puis la question qui tue.... Franchement, je ne sais pas ce qui m'a pris de leur demander un truc pareil parce que le mot en question, c'est sûr, ils ne le connaissaient pas ! On l'avait vaguement vu dans un texte mais bon.....
  • Dans la Bible, quand Dieu est en colère on dit qu'il lance des ????
  • des flammes !!!! Des flammes mâdâme !!!!!! Des flammes !!! ( au cas où je n'aurais pas entendu)
  • des flèches !!!!!
  • des cailloux !!!!!
    J’abdique et j'écris le mot au tableau : des imprécations.... fallait quand même être con pour poser une question pareille !!!
    Je commence à fatiguer là.... avec les 20 minutes qu'on s'est pris dans le nez au début à attendre l'ouverture des cahiers et des livres, il est déjà moins 10 ! Ben oui, parce que chaque mot à recopier sur le cahier, ça prend bien 5 minutes  pour que tout le monde ait terminé !!Et là, très lâchement, très très lâchement, je leur ai dit 
  • Allez, c'est bon, on ferme les cahiers, on range les livres, on met les chaises sur les tables, on attend la sonnerie !
    Bruit absolument assourdissant, les livres volent, les chaises sont hissées sur les tables, les gamins hurlent et moi, je m'assois, je compte mes crayons dans ma trousse ( tiens y'en a un qui a disparu....ici, les gamins aiment te piquer tes crayons quand t'as le dos tourné) je ferme les yeux, je pense au café et la clope que je vais m'offrir à la récré et je me dis.... vous connaissez désormais le refrain : je fais quand même un putain de beau métier !!!

mardi 3 décembre 2013

Un portrait: Léon

Léon

Les noms des petits élèves dont je vais faire ici le portait ont évidemment été changés. Alors voilà,
Léon, 11 ans, 6eme. 1M20 environ, guère plus. Des mollets de serin, des bras de coucou et un
visage garni d'une chevelure noire et jaune, comme c'est très souvent le cas ici chez nos élèves. Ils
se passent le dessus de la tête à l'eau oxygénée et ça donne un résultat que seuls les petits tahitiens
Léon a de petits yeux d'un noir profond, qu'il fronce en permanence en signe de mécontentement.
Chez Léon, le mécontentement, c'est un art de vivre !
Léon est petit mais tonique ! Il entre en classe en dansant, il s'assoit en se tortillant dans tous les
sens et ça prend bien 10 minutes avant qu'il se stabilise à peu près car Léon est le roi du petit bond
de carpe. Assis, ses pieds ne touchent pas terre, alors, confort oblige, il a toujours une jambe
repliée sur le rebord de la chaise et la fesse qui dépasse.
Léon est bavard et le son de sa voix (qu'il a très très aiguë la voix)  est d'une force inversement
proportionnelle à sa taille !  Comme Léon a quelques difficultés à comprendre, il pose des
questions ! Beaucoup, beaucoup de questions ! Sur tout   car il est aussi d'un  naturel très
curieux.Si je ne réponds pas aux question de Léon, je suis « méchante ». « t'es méchante
mâdâme ». Si je réponds, j'en ai quand même pour une bonne heure rien qu'avec lui.
Léon aime sortir de la classe et son sport favori, c'est d'aller moucher son nez. Si je dis non, Léon
Léon n'a peur de rien, ou presque car la vue de monsieur tape dur, le CPE, le tétanise. Si je brandis
la menace de sa venue en classe, je peux avoir la paix pendant 5 minutes.
Léon écrit comme il parle, c'est à dire un peu à l'envers et tout pointu. Ça donne des phrases et une
graphie lisibles et intelligibles par un seul initié, c'est à dire lui­même. Il aime dessiner sur ses
copies et faire des petits pâtés d'encre dans tous les sens.
Le papa de Léon est en prison et Léon est triste, souvent. Alors, il faut le consoler et la seule chose
qui puisse consoler Léon, c'est de l'autoriser à jouer  au tableau à la fin de l'heure. Là, il se
déchaîne ! Et que je te fasse des dessins dans tous les sens, et que je te fasse crisser la craie sur le
tableau, et que je t'écrive des trucs absolument illisibles.... 5 minutes de défonce et mon Léon est
tout réparé.... enfin presque parce que mon Léon, des casseroles attachées à son petit derrière, il en
a déjà un bon paquet. Alors, je me défonce pour lui, je mouille ma chemise, je lui apprends à lire
en essayant de faire en sorte qu'il comprenne les mots qui dansent sous ses yeux, je lui apprends à
écrire en essayant de donner un peu de sens aux phrases qu'il rédige. Mais la partie est difficile...
Mais le pire dans tout ça, c'est que des Léon, j'en ai quinze par classe !!!!
x

La dictée






Mes amis
allez, encore une petit récit puisque ça m'a bien l'air de vous intéresser... Celui de la dictée avec mes troisièmes. Dictée préparée, évidemment, sur le sujet qui nous intéresse pour la séquence: les récits de guerre. Je fais les choses bien qu'est-ce que vous croyez! Et que je te fais recopier les mots difficiles, et que j'en rajoute une couche sur les « s » qu'il faut mettre dans les groupes nominaux au pluriel... Bref, dictée très très très préparée.. dans le bordel, mais préparée !
On commence ! ON saute des lignes! Je répète, on saute des lignes ( alors là, les collègues de français me comprendront... Quand tu dis, "on saute des lignes, y'en a toujours trois ou quatre qui ne le font pas quand même!) 
Mâdaaaaaammmm !!!! Non !!! Attends Mâdâme !!!!
J'attends...Je finis par y aller....Je dicte.
« Brusquement, virgule........ Brusquement, virgule....
Brusquement ??? Brusquement ???? Point ???
Non... Brusquement, VIRGULE
Brusquement, Virgule, les obus cessent de tomber dans notre voisinage.... POINT ! 
Les obus quoi ?
Les obus cessent de tomber........dans notre voisinage.... POINT ! C'est bon ??? Je continue ?
Nonnnnnn !!! Attends mâdâme... Dans notre voisinage point ?
Oui ! POINT !
Je poursuis...
Il est reporté derrière nous...... point virgule ( alors là, le point virgule, ça va commencer par devenir compliqué) Je répète... POINT VIRGULE.
Mâdaaaaaaaame ! Point virgule c'est un point avec une virgule ??? C'est ça hein mâdâme ?
Oui, c'est ça !!! T'es un champion mon gars !
Bordel au fond de la classe. Le point virgule, ça ne passe pas.. Je poursuis quand même.
....notre tranchée est libre...Point !
Mâdaaaaaaammmm ! Notre tronchée ?
Non.... Notre trANchée.. ( Alors là, vous avez dû constater que le « an » et le « on » se confondent en tahitien. On prononce « an », « on » et ce "on" produit un son absolument inclassable dans l'alphabet phonétique international! Ce qui fait que je suis madame Blondine...c'est compliqué comme tout pour eux un truc pareil alors je ne m'énerve pas) j'ouvre bien grand ma bouche pour prononcer le « an »... Trannnnnnchée !....
( élèves circonspects....) Je continue.
Nous saisissons les grenades..... nous saisissons les grenades....( même problème que tout à l'heure mais à l'envers..
Nous saisissans ????
Non ! Nous saisissONs ( et là je ferme bien ma bouche en cul de poule......) ...les grenades..
…..( Moment de calme.... je poursuis....), nous les lançons ( attention, là ça devient carrément obscure, un « an » et un « on » dans le même mot ….J'ouvre puis j'arrondis ma bouche à m'en décrocher la mâchoire).... et nous bondissons au dehors...Point. Le feu de destruction a cassé. 
Madammmmmme !!! Nous bondissons où?
Au dehors !!!!
Un autre hurle
le feu de destruction a cassé au dehors ?
Non, nous bondissons au dehors. Toi tu écris juste le feu de destruction a cassé. 
ça y est, le môme il est paumé! 
On met un point ?
Non, on continue
Mais t'as pas dit point Madame ?
Nonnnnnn, je n'ai pas dit point ! On continue.
On écrit ça Madame « on continue » ? 
Nannnnnn !!! je dis ça comme ça, on continue, on continue la dictée ! ( mais alors là, j'ai juste envie d'arrêter parce que ce que je ne dis pas c'est que tout ça se fait dans le bordel le plus total ! )
( je poursuis, courageuse que je suis...)
En revanche ( là j'ai pitié, je l'écris au tableau) VIRGULE......... derrière nous...VIRGULE....
Y'a deux virgules mâdame ?
Oui, y'a deux virgules ! En revanche.... VIRGULE,... derrière nous, virgule, il y a un terrible feu de barrage POINT ! 
Madame ??? On saute des lignes ?
C'est la fin de la dictée là, je te l'ai déjà dit tout à l'heure !
J'ai pas sauté de lignes Madame, je peux recommencer ?
NANNNNNNNNN !!!! Allez, vous écrivez la dernière phrase.... C'est l'attaque POINT final. 

Et moi, là, c'est carrément l'attaque de mes nerfs, l'envie de sortir de la classe, de foutre le feu, de lancer des grenades !!! GRRRRRRRR … Je souffle.... Une deux, une deux, je respire... On se calme ! Je relis la dictée... Un semblant de calme...
Le résultat des travaux mériteraient bien aussi un petit récit.. Je trouve dans les dictées des choses hallucinantes! Ceci dit, c'est quand même bien fait pour ma pomme!!! Je n'avais qu'à pas la faire cette putain de dictée après tout! Mais tout ça me permet d'apprendre, de me remettre en question. Ici, tu enseignes différamment , vous avez dû vous en rendre compte aussi. Alors depuis trois mois, je tâtonne, j'expérimente, je fais, je défais et le pire, mais ça je vous l'ai peut-être déjà dit, c'est que ça me passionne! Bon, je rentre chez moi lessivée, essorée, vidée, mais ma foi, je me dis chaque jour, et je le pense vraiment, que je fais un métier formidable! 

Cosette


Bonjour à tous, des petites histoires de mon vécu quotidien, drôles, touchantes, chacun le ressentira différemment mais vous pouvez commenter librement cette publication afin de m'encourager à en écrire d'autres. Les noms cités sont changés ou non, toute ressemblance bien sûr avec une situation vécue serait purement fortuite....vous connaissez la suite.A très bientôt alors et bonne lecture, j'attends vos commentaires !

Madame B



            Je tente de survivre dans un environnement où le niveau sonore atteint des records! L'A380 au décollage à côté, c'est de la gnognote! Travail difficile avec des gamins qui n'ont pas la moindre idée de ce que sont les règles, les contraintes et surtout le travail. Un cours est donc pour eux un espace de totale liberté: on y entre parfois, on en sort quand on veut, on y crie, on y jette des papiers par terre, on y joue, parfois on y dort, on s'y castagne quand ça chauffe un peu, on y parle fort, on n'y sort son cahier que sous la menace, on y perd ses crayons et moi ma raison parce qu'au milieu de tout ce bordel, il y a moi, pauvre de moi, avec un programme qui programme l'impossible, des exigences qui exigent l'insurmontable pour eux et des règles qui ne règlent rien du tout. 

Alors parfois, à l'issue d'une semaine où j'ai un peu mouillé ma chemise quand même( parce que le pire, c'est que ça me passionne!) il m'arrive de me demander si je sers vraiment à quelque chose et si je suis vraiment une bonne prof! Mais bon histoire de ne pas vous saper le moral, je vais quand même vous raconter l'histoire d'une de mes petits élèves que nous appellerons Maëva pour ne pas la nommer publiquement:

c'est une élève de quatrième. Plutôt ronde, de grands yeux noirs et une naïveté à vous décoiffer puissamment ! Maëva ne comprend pas tout. Elle a même du mal à comprendre tout simplement. Mais elle est vraiment adorable. Lorsqu'elle écrit, je ne suis pas bien certaine qu'elle sache le pourquoi du comment de l'exercice ou de la leçon. Et c'est une incorrigible bavarde. Pas méchante pour un sous mais la goule ouverte en permanence.
Le matin, quand je la croise devant le collège, j'ai droit à chaque fois au même petit discours :
Mâdâââme !! Aujourrrd'hui, je bavarrrde pas ! Prrrromis mâdâme !D'accord, je te crois Maëva !Et dès les première secondes en classe, la voilà qui jacte ! Alors hier, on a corrigé une rédaction sur Cosette. Cosette devait écrire une lettre à sa maman pour la supplier de venir la chercher chez les Thénardier. L'ensemble n'a été que très moyennement réussi évidemment et je me lance courageusement dans une correction. Pour vous donner une petite idée des capacités de Maëva, elle avait carrément recopié , intégralement et avec le plus grand soin, mot pour mot, le texte du portait de Cosette de que l'on avait étudié avant. C'est vous dire si elle n'avait vraiment rien compris.A la correction, ses yeux commencent à s'éclairer. J'explique de nouveau la consigne et c'est parti mon kiki, je me mets à écrire au tableau les propositions de correction des élèves. Maëva a compris !!!! Elle commence.Cosette elle aime sa maman alorrrrs on écrit « maman chérrrrie, je t'aime ».Bien Maëva ! On écrit ça ! J'écris. Elle est fière comme un petit banc.Puis on continue. Les propositions fusent. ça gueule dans tous les sens parce qu'ici, rien ne ne fait dans le calme! Tout le monde semble avoir bien compris les enjeux de la lettre. Et vas-y que je t'écris « je souffre... « on me traite comme une esclave » « on me tape » « je suis malade » « j'ai froid », « j'ai peur » puis quelques propositions que je corrige avec bienveillance « j'ai les boules » « je suis mal barrée »  « on m'a violée ( on sent ici hélas un vécu terrifiant) .....
Bref, ça marche du feu de dieu. Et là, Maëva se met à réfléchir. Elle est à fond dedans ! Elle me dit :
Mâdâme, là c'est sûrrrr, elle va venir sa maman quand elle va recevoir la lettre !... ( gloups....je comprends que Maëva, à ce moment précis, elle est persuadée qu'on va l'envoyer cette putain de lettre!!!) Moi si j'étais sa maman, je viendraaaaaais la chercher ma fille parce que c'est pas possible qu'une maman elle rrrrreste comme ça … C'est sûrrrrrr elle va venir...Elle va prendre sa voiture et elle va venir! Tu ferrrais comment toi mâdâme si ta fille elle t'envoyait une lettre comme ça ? Tu irrrais hein mâdâme ? Mais il est où son papa à Cosette ?Ah !!! Fantine a eu sa fille avec un monsieur qui l'a abandonnée avec Cosette lorsqu'elle était bébé.C'est pas bien ça mâdâme !!!! Mais c'est qui Fantine mâdâme ? ( là je comprends qu'elle n'a toujours pas capté qui était la maman de Cosette )Fantine, c'est la maman de Cosette !Ah !!!! Et quand elle va venir, tu crrrrrois mâdâme qu'elle va rosser les Thénardier ( bon, les Thénardier, elle a situé!) Il faut qu'elle les tape mâdâme ! Il faut qu'elle appelle la police !Alors j'explique que c'est une lettre fictive, que cette lettre est imaginaire, que Cosette n'aurait pas pu l'écrire.Ah bon mâdâme !!!! Elle va pas la recevoir la lettre la maman de Cosette ? Mais pourquoi on l'écrit alorrrs mâdâme !! C'est bête ça mâdâme parce que Cosette elle va mourrrrrrir si ça continue, c'est sûrrrrr !
Alors, à cours d'arguments, je lui souris parce qu'autant de fraîcheur dans un petit cœur comme le sien, ça me chavire ! On termine la lettre. Elle est la première à me proposer la fin :
Maman chérrrrie, je t'aime de tout mon cœurrrrr. Ta fille Cosette.Et la lettre se termine ainsi.
Je me dis que s'il existe un monde des esprit, celui de Hugo a dû planer au dessus de nous et qu'il a dû fondre devant cette douceur candide d'une petite Maëva qui va peut-être garder jusqu'à la fin de ses jours le souvenir de Cosette.
C'était ma petite aventure de l'autre jour. Je suis sortie de classe et je me suis dit que je faisais quand même un putain de beau métier ! Voyez, je garde quand même un petit espoir!